samedi 11 mai 2019

Un Drôle de Paroissien - Jean-Pierre Mocky 1963





Synopsis :   Georges Lachesnaye appartient à une famille bourgeoise qui considère le travail comme une déchéance sociale. Le jour où ses biens sont saisis, il se rend à l'église pour implorer son saint patron. Le tintement d'une pièce de monnaie lui fait croire que le ciel lui propose de piller les troncs dans les lieux de culte...



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Voilà un Mocky de premier choix. Mais je veux revenir un peu sur le contexte historique. La France est catholique à deux cents pour cent. L'église, c'est sacré. Faut pas y toucher. Encore moins y tourner un film sur les pilleurs de troncs parbleu ! Dans une de ses interviews savoureuses qui figurent dans les bonus du DVD, Jean-Pierre Mocky raconte comment il a dû se battre, pour obtenir l'autorisation de filmer dans près de 25 églises parisiennes. C'est rocambolesque..... ! Il est allé voir le responsable de la Centrale catholique, organisme de censure chargé de classifier les films, et de distribuer les autorisations. Refus catégorique. Mocky ne se démonte pas pour autant et rencontre l'Archevêché de Paris, en se faisant cette fois plus menaçant : s'il n'obtient pas ladite autorisation, il tourne un film sur le curé d'Uruffe !
Pour ceux qui ne connaissent pas l'affaire, ce crime atroce, perpétré par un prêtre le 3 décembre 1956, avait horrifié l'opinion publique et gravement secoué la société française. Qu'un prêtre puisse tuer une jeune fille de 19 ans, qu'il avait, soit dit en passant, lui-même engrossée, dépasse l'entendement, mais qu'il l'éventre, en sorte l'enfant pour lui taillader le visage à coups de couteaux, alors là, on baigne ostensiblement dans l'horreur absolue. L'affaire Guy Desnoyers donna lieu à un procès retentissant... Alors que tout portait à croire que le curé subirait le châtiment de la guillotine, la justice française ne s'est pas résolue à condamner à mort un représentant de l'Église... Le lobby catholique avait fait son œuvre, puisque le Vatican lui-même s'en était mêlé... (Sur l'histoire du procès, et l'analyse qui en a été faite, je vous renvoie à ce qu'en a écrit Claude Lanzmann en 1958, dans Les Temps Modernes. Un texte absolument magnifique, d'une justesse abyssale. (Vous le trouverez parmi les bonus.)

Mais assez digressé, je reviens au film. Avec le curé d'UruffeMocky tient  manifestement un sujet sulfureux et explosif ! Mais il en faut plus pour faire plier l'Archevêché.. !! Mocky réussit finalement à obtenir les autorisations par... le chantage !! Trouvant le représentant de la Centrale Catholique en fâcheuse posture avec sa secrétaire dans son bureau, Mocky trouve enfin la faille, pas besoin de vous faire un dessin... Pour éviter que le scandale éclate, et que soit étalées sur la place publique, les mœurs dissolues d'un représentant de la centrale catholique, les fameuses autorisations lui sont enfin accordées....Ouf !
Habitué à jouer les paysans naïfs, Bourvil n'hésite pas un seul instant à tourner avec Mocky pour des cacahuètes dans un rôle à contre-emploi. Certains ont même essayé de le dissuader, Mocky étant jugé trop iconoclaste. Mais à rebrousse-poil des attentes de son public, Bourvil prend tous les risques, et campe avec maestria, dans un rôle presque lunaire, un aristocrate sans le sou, devenu pilleur de troncs par la grâce divine.
Partisan d'un cinéma libre et excentrique, celui qui fut l'assistant de Frederico Fellini, signe là un film finement drôle et grinçant, emmené, avec panache et enthousiasme, par une joyeuse troupe de gai-lurons, et servi par de savoureux dialogues. Bref, une excellente cuvée. À boire sans modération!



Bonus :

Mocky et Bourvil  :   (Remux DVD - 4mn) s'il y a bien une magie au cinéma, peut-être faut-il la trouver dans les rencontres qui sont souvent à l'origine des projets cinématographiques. Entre Mocky et Bourvil on pourrait presque parler d'une histoire d'amour.... Le preuve que l'amitié, bien plus que l'argent, préside aux meilleures réalisations.

- Une interview savoureuse de JP Mocky qui revient sur les coulisses du tournage et ses déboires avec les hauts dignitaires catholiques... jubilatoire! (Remux DVD - 11 mn)
- Bande-annonce. (Remux DVD -  4 mn)
- Diaporama photos. (Remux DVD - 3 mn)
- Le délire selon Mocky : une petite incursion dans le délire au cinéma. (vidéo INA - 46 mn)
- La vulgarité selon JP Mocky : une apologie des gros mots, formulée dans un langage pour le moins châtié... (vidéo INA - 23mn)
Mocky soit qui mal y pense : deux heures d'entretien avec JP Mocky  qui, avec son franc-parler, détaille sa longue carrière. (France Culture - 125 mn - Flac)
Mocky la vie est un jeu. (Mocky sur France Inter - 34 mn - Flac)- Bourvil dans tous ses états : En trois parties, un portrait intime de cet acteur exceptionnel que fut Bourvil. (France Culture - 3x54 mn - Flac)

- Claude Lanzmann : "Le curé d’Uruffe et la raison d’Eglise" . Quand la justice divine supplante celle des hommes.... (PDF - 29p)


Kermite.


Lien :

https://1fichier.com/?jir29hq3uck5kfednghh HDTV (1440x1080)


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